Jocelyne Takahashi
J’ai rencontrée Silvia Maria Grossmann en février à Vienne
Son domicile, tout près du centre historique, réserve la plus grande surface à son atelier. Ce qui m’a frappée d’emblée fut la vastitude du lieu, traversé de lumière du matin au soir, graçes au baies vitrées placées parallèlement – lumière qui joue un grand rôle et dont l’artiste parle comme d’une composante nécessaire -. Beaucoup de sculptures debout et accrochées à une certaine distance du mur se mêlent naturellement aux objets du quotidien; plantes, livres et nombreuses photos recouvrent des tables. Toute chose dans l’atelier semble disposée à participer à cette longue période d’incubation précédent la réalisation de l’œuvre.
Là, quelques indications sont nécessaires pour en comprendre le processus organisé en séquences er médiums différents. Silvia Maria Grossmann aime la poésie urbaine; elle voyage beaucoup et photographie de préférence des structures métalliques, grues, échafaudages, façades imposantes bâchées ou non... Les tirages choisis sont dupliqués par photocopies, lesquelles vont constituer le matériau de base: les structures alors disséquées, répétées, vont créer une nouvelle image qui prendra corps petit à petit une structure légère en cuivre.
Le papier-photocopie tendu recevra alors une couche d’huile conférant à l’objet une présence plus tactile et plus translucide, comme une peau, et lui donne – me semble-t-il – une «épaisseur humaine» - J’ai compris à ce moment là l’enjeu d’un tel processus, le retournement qui s’opère … : d’un côté, une architecture imposante, écrasante parfois – de l’autre un être, une personne qui parcourt les rues, au gré de ses humeurs, munie seulement d’un petit outil, l’appareil photo: elle va et s’interroge sur sa place à elle, entre ces gigantesques et opulentes perspectives des façades, «boucliers qui protègent la vie» dit-elle, doivent être secouées de leurs fondations, pour mieux sentir ce qui y vit.
Une remarque encore: Silvia Maria Grossmann utilise à dessein les médiums de notre actualité proche, accessible, ordinaires, délestés du poids des valeurs culturelles qui finssent souvent par peser sur notre regard en face des œuvres et nous éloigner d’elles.
Peut-être faut-il y lire un pari pour un regard neuf, renouvelé, transparent, résolument tourné vers les questions vives de notre présent.
Le 8 février 2000
Jocelyne Takahashi